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Emile Wève

Son nom est visible à deux endroits de notre village.

Emile Wève 1863-1945 Prisonnier politique  Décédé en captivité

 

Sur la maison de village d'abord, une plaque de marbre apposée gauche de l'entrée nous rappelle qu'il fut un prisonnier politique et décéda en captivité.

 

 

 

Borne à côté du monument aux morts de Rêves où le nom d'Emile Wève est indiqué.

 

Au monument aux morts ensuite. Pas sur la colonne principale qui est dédiées aux soldats de 14-18 mais sur une des deux bornes ajoutées de part et d'autre de celle-ci, après la guerre 40-45. Cette borne nous apporte un peut plus de détails. Elle mentionne en effet qu'il fut un combattant durant la première guerre mondiale et aussi secrétaire communale de la commune de Rêves. Il fut déporté en Allemagne où il décéda.

 

 

 

Biographie

Emile Wève n’est pas originaire de notre entité mais il est devenu secrétaire communal de Rêves le 1er janvier 1928. Il le restera jusqu’à son arrestation par les nazis pour participation à un réseau de résistance. Il meurt le 15 mai 1945 peu après la libération de son pénitencier des suites des privations et des mauvais traitements subis.

Toutefois, avant de mourir en héros pendant la seconde guerre mondiale, il participa à la Grande Guerre, dont il ressortira handicapé suite au gazage dans les tranchées.

Une image contenant texte, homme, complet, personne

Description générée automatiquementEmile est né le 2 décembre 1886 à Bois d’Aulne (Gozée - province du Hainaut). Son père se prénomme Télesphore et sa mère Céline Marie-Joseph, Bayet de son nom de jeune fille. Avant son engagement, il travaille comme aide-forgeron. C’est en 1906 qu’il rejoint l’armée, au sein du 2e régiment de ligne comme milicien. Il a le numéro 125 du tirage concernant la commune de Gozée[1]. Il n’a pas encore 20 ans.

Après quelque semaine, il demandera sa mutation vers le premier régiment de chasseurs à pied, qui se trouve caserné dans la région de Charleroi. Le deuxième de ligne étant lui caserné dans les environs de Gand. Il souhaite ainsi sans doute se rapprocher de ses racines. 

C’est le 20 août 1906 qu’est acté son entrée au sein du premier régiment de chasseur à pied, en tant que musicien de 4e classe. L’on notera que lors de son incorporation dans le 2e de ligne, Emile n’a pas tout à fait 20 ans. Or, à cette époque, la majorité légale pour un homme en Belgique, est toujours de 21 ans. Dès lors, on comprendra pourquoi son transfert vers « la musique des chasseurs à Charleroi » (sic) en 1906 requiert l’autorisation de ses parents. 

Ceux-ci écrivent une lettre le 31 juillet 1906 au Colonel commandant le 2e de ligne à Gand en vue d’autoriser la mutation de leur fils vers cette unité. On remarquera que cette lettre est officialisée et légalisée par contre-signature du bourgmestre de Gozée de l’époque.

Compte tenu de l’histoire des régiments de chasseurs à pied, Emile ne peut encore rejoindre le 4e chasseur puisque celui-ci ne sera créé que le 1er août 1914[2]. Il s’agit donc du premier régiment de chasseurs à pied, qui est cantonné à Charleroi.

Le 13 septembre 1913, il épouse d’Emilie Degallaix, née le 4 août 1886 à Gozée. A partir de cette date, le couple déménage à Mont-sur-Marchienne.

Le premier août 1914, en réponse à la menace d’invasion Allemande, l’ensemble des forces armées belges sont activées, certaines unités sont réorganisées et les miliciens des classes de 1899 à 1913 rappelée sous les drapeaux. Pour faire face à cette menace et incorporer l’ensemble des miliciens ainsi rappelés, l’armée crée également de nouvelles unités. Ainsi est créé le 4e régiment de chasseurs à pied, en dédoublant le premier régiment.

À la suite de cette réorganisation, Emile se retrouve incorporé dans ce nouveau régiment juste créé. A partir de cette date, il y fera tout le reste de sa carrière militaire. 

Emile Wève passa donc toute la durée de la Grande Guerre au sein de 4e régiment de Chasseurs à pied, soit une présence attestée de 52 mois au front. Depuis l’invasion de la Belgique le 4 août 1914 à l’armistice signé le 11 novembre 1918. 

De cette guerre, il en gardera de très lourdes séquelles. En effet, il était présent à Dixmude lorsque les allemands y lancèrent leur grande offensive à coup de gaz moutarde (Ypérite). Il en sortira vivement, mais beaucoup diminué suite à l’inhalation de trop fortes quantités de ce gaz.

Il quitte définitivement les armes en 1924, soit à l’âge de 38 ans, après plusieurs séjours en hôpital. Son dernier séjour est suivi par son départ en congé de traitement, pour une durée illimitée, démarrant le 12 juillet 1923. Le lendemain, il passe au dépôt des invalides de guerre qui sans doute confirme sa maladie et sa mise à pied temporaire pour raison de santé.

Il devra attendre jusqu’au premier août 1924, soit un an, pour obtenir sa mise à pied définitive et l’obtention d’une pension. Cette pension annuelle et viagère, s’élève à 2066 francs pour ancienneté (portée à 2093 francs le 1er juillet 1924) à laquelle se joint une pension supplémentaire de 792 francs pour affection (troubles gastro-intestinaux) contractée en temps de guerre.

C’est une lettre signée par Emile et envoyée au ministre de la défense national en 1932 qui nous éclaire quelque peu quant à son temps passé au front. En effet, la lettre en question à pour but de rectifier une erreur concernant les dates de présences au front portée sur sa « carte de feu ». Il y mentionne son temps passé au front au sein d’une compagnie, depuis l’invasion du 4 août 1914 à la date du 9 décembre 1917. A cette date, il est versé dans la musique du 4e régiment, créé par le colonel Wambersy en 1916. Mais les musiciens sont affectés au front, comme n’importe quel autre soldat. Ainsi, au sein du régiment d’Emile, ils effectueront un service de brancardiers en premières lignes, jusqu’à la signature de l’Armistice.

Après la guerre, le 4e régiment cantonnera dans la région de Verviers avant de partie pour la Rhénanie. Par son dossier militaire, trois lettres qu’Emile signe pour signifier son souhait de reconduire son engagement pour un an nous sont parvenues :

  • En 1919 et 1920, deux lettres rédigées à Verviers

  • En 1921, une lettre rédigée à Ruhrort, port fluvial de la Ruhr situé dans la ville de Duisbourg en Rhénanie (Allemagne).

Quelques années après avoir quitté l’armée, il vient s’installer sur la commune de Rêves où il finit par exercer la fonction de secrétaire communal. Plus exactement, c’est le 24 décembre 1927 qui est la date officielle de son établissement sur le territoire de notre commune. Cette date est mentionnée sur un certificat de bonne vie et mœurs établi le 3 février 1942, en vue de l’obtention d’une décoration.

A Rêves, il réside rue Saint-Anne n°91 (attesté en 1932) puis au numéro 66 de la place Communale, sans doute la place de Rêves, formée par la rencontre des rues de Bruxelles, de l’Eglise et du Grand Blocus (attesté en 1942).

Lorsque l’Allemagne envahit notre pays pour une seconde fois, il exerce toujours cette fonction. C’est alors, que comme beaucoup de membres des services publiques en Belgique, il rejoindra un réseau de résistance. Dès la fin de 1940 il entre en contact avec différent représentant des principaux réseaux de résistance qui sont en train de voir le jour en Belgique : le Front l’Indépendance, le Mouvement National Belge ou encore l’Armée de la Libération.

Sa date d’affiliation officielle est le 1er mai 1944 où il est renseigné comme chef de section, avec grade de sergent. Mais selon une attestation délivrée en 1954, sur requête de sa veuve, il y est reconnu comme résistant armé depuis le 11 mars 1943.

Notons au passage qu’Emile n’est pas le seul secrétaire communal à rejoindre la résistance. Au cours de 1942 et 1943, à peu près un quart environ des secrétaires communaux du Hainaut franchissent le pas de l’action organisée[3]. Bien que l’action armée soit quelque peu étrangère à leur culture et à leurs pratiques, et peut-être aussi trop éprouvante sur le plan physique (il s’agit surtout de personnes ayant dépassé allégrement la quarantaine – Emile a 57 ans lorsqu’il rejoint un réseau de résistants). 

Dès 1941, il était à la tête du réseau de résistant actif dans notre commune et ses environs. Ses activités au sein de la résistance étaient le recrutement, la fourniture de cartes d’identité (n’oublions pas qu’Emile est toujours secrétaire communal à cette époque), supervision du parachutage[4] d’armes, hébergement de patriotes, réfractaires, prisonniers évadés ou encore pilotes tombés dans nos région traqués par les Allemands. Activités peu spectaculaires, mais bien cachées, voir aidées par ses activités professionnelles. 

Le 12 mai 1944, il est au travail, dans son bureau du secrétariat communal de Rêves, situé au premier étage de la maison communale (aujourd’hui maison de village et école maternelle) quand il reçoit un coup de fil de sa femme le prévenant de la visite de la Feldgendarmerie. Celle-ci était à sa recherche et venait de passer par son domicile. Malheureusement, il fut impossible à Emile d’échapper au deux feldgendarmes cyclistes qui sont rapidement parvenu à la porte de son bureau.

Remis à la Gestapo, il est emmené à Pont-à-Celles en vue d’interrogatoire. C’est sur base d’une dénonciation, celle d’un déporté en permission qui avait reçu une fausse carte d’identité de sa part, qu’il fut arrêté. 

Emile était un brave, il ne parla pas et ne donna aucun nom. Toutefois, la résistance locale pris ses dispositions en vue de se prémunir contre des rafles éventuelles. La crainte était que malgré son dévouement, sa loyauté et son courage, il ne cède aux tortures que la Gestapo ne manquait pas d’infliger à ses prisonniers. Mais la confiance de ces compagnons de lutte était bien placée, il ne dira rien et personne ne fut arrêté après Emile.

Le 23 mai, il est condamné par un tribunal militaire allemand à 18 mois de prison. Il passe par les prisons de Charleroi et de Saint-Gilles, avant d’être déporté en Allemagne, dans le centre de détention de Bochum (près de Dortmund, en Westphalie).

Là-bas, il vivra avec stoïcisme toutes les rigueurs de la captivité.

Au printemps 1945, devant l’avance des Alliés, les nazis évacuent de nombreuses prisons de l’ouest de l’Allemagne. Emile est évacué avec 60 autres belges et arrive les 22 mars 1945 à la prison de Hamelin (Basse-Saxe, non loin de Hanovre). 

Le 27 mars, il fait partie d’un nouveau très grand convoi de prisonniers, qui serait resté apparemment plusieurs jours à Hanovre avant d’être divisé et envoyé vers différentes prisons. La partie du convoi avec Emile atteint le 31 mars le pénitencier de Celle.

Il décède à Celle (en Allemagne, près de Hanovre) le 15 mai 1945 à l’âge de 61 ans, des privations liées à sa captivité mais aussi et surtout des rigueurs des longues journées de transport, du confinement dans des étroits en wagons à bestiaux avec ou sans alimentation[5]. On se souvient que son gazage dans les tranchées de la Grande Guerre avait laissé des traces indélébiles dans son corps. Son calvaire avait duré un an, mais il put quand même vivre la joie de la libération. En effet, quelques jours avant son décès, il fut libéré avec beaucoup d’autres par l’armée américaine. 

Son corps ayant pu être rapatrié en Belgique, il sera enterré le 5 décembre 1945 dans le cimetière communal de Gozée, sa ville natale. Bien évidemment, de nombreux rêvois avaient tenus à faire le déplacement pour assister à la cérémonie.

En 1949, sa veuve lui fait reconnaitre la qualité de Prisonnier Politique, à titre posthume et de ce fait bénéficie du droit à une pension pour la période courant de la date d’arrestation d’Emile à son décès, soit 12 mois complets de 30 jours (du 12/5/1944 au 15/5/1945).

Le 2 décembre 1951, l’administration communale de Rêves lui rendit hommage en plaçant son portrait en place d’honneur dans le secrétariat communal.

Un ultime hommage lui fut rendu le 11 novembre 1994, date à laquelle la plaque commémorative fut apposée sur la façade de la maison de village et inaugurée par les autorités communales de l'époque.

 

Description physique

Les papiers d’engagement militaire à son nom le décrivent comme suit :

  • Taille : 1 mètre et 610 millimètres
  • Visage : ovale
  • Front : ordinaire
  • Yeux : gris
  • Nez : gros
  • Bouche : moyenne
  • Menton : rond
  • Cheveux et sourcils : châtain

 

Son parcours au sein de l'armée belge

Son matricule militaire : 128.129

  1. 17 juillet 1906 – déclaré apte pour le service et incorporé au 2e régiment de ligne. 
  2. 1er août 1906 – versé dans le service actif
  3. 20 août 1906 – rejoint la musique du 1er régiment de chasseurs à pied de Charleroi, en renonçant à un congé de 36 mois.
  4. 1er août 1914 – présence attestée au sein de 4e régiment de Chasseurs à pied qui vient d’être créé à Charleroi.
  5. 9 décembre 1917 – musicien de 4e classe
  6. 1er septembre 1918 – musicien de 3e classe
  7. 30 octobre 1918 – est envoyé à l’hôpital militaire de St. Michel-Lez-Bruges pour maladie contractée au front.
  8. 13 novembre 1918 – rentré de l’hôpital
  9. 20 septembre 1921 – musicien de 2e classe
  10. Entre le 3 mai et 13 juillet, passe plusieurs séjours en hôpital ou au repos chez lui, à Mont-Sur-Marchienne. 
  11. 12 juillet 1923 – en congé de traitement pour une durée illimitée
  12. 1er avril 1924 – quitte l’armée et obtient une pension annuelle et viagère.
     

Ses décorations et autres récompenses

  1. 8 chevrons de front[6], soit le maximum possible (cfr note de bas de page). Obtenus par décision du commandant de 9e Division d’Infanterie en date du 27 mai 1921.
  2. Croix de feu (en 1935, pour plus de 32 mois passé au front)
  3. Croix de guerre avec palme (en 1919)
  4. Médaille de Liège
  5. Médaille de l’Yser[7] (1919, pour les militaires présents le long de l’Yser qui arrêtèrent l’avance allemande entre le 17 et 31 octobre)
  6. Médaille militaire deuxième classe, pour ancienneté et bons services (en 1920)
  7. Médaille militaire première classe, pour ancienneté et bons services (en 1923)
  8. Médaille de la victoire
  9. Médaille commémorative de la guerre 1914-1918
  10. Médaille du centenaire
  11. Croix de Guerre 40-45 avec palmes
  12. Médaille de la résistance (40-45)


Sources

Outres les documents cités dans les différentes notes, les documents suivants ont été consultés :

  1. Dossier militaire conservé aux archives de l’armée Belge (Musée de l’Armée du Cinquantenaire)
  2. « Afin que son souvenir demeure… Monsieur Emile Wève » un article paru dans le Journal de Resves numéro 18 écrit par Robert Labar, compagnon résistant d’Emile Wève.

 


 

 

[1]A cette époque, chaque province doit fournir un nombre précis de conscrits en vertu d’un contingent voté annuellement. Le tirage avait lieu chaque année en février. En 1909, le roi Léopold II introduira le service militaire obligatoire pour tous les jeunes hommes, supprimant la pratique de ce tirage au sort.

[2] Voir http://www.chasseurs-a-pied-belges.be/

[3] Robert Vandenbussche, Les Services Publics et la Résistance en zone interdite et en Belgique (1940-1944), Institut de recherche historiques du Septentrion, 2005

[4] Ces parachutages avaient lieu dans les champs situés autour du chemin reliant Rêves à Liberchies, chemin qui partait des prés Saint-Jean.

[5] Information issue d’une publication en ligne sur le site http://www.geschichte-hameln.de, dans le cadre d’un travail de recherche sur les citoyens du Bénélux persécutés par les nazis dans la prison de Hamelin de 1942 à 1945.

[6] Le Chevron de front est un insigne spécifique honorifique, créé pour distinguer les soldats belges de tous grades de la première guerre mondiale 1914-1918 qui ont exposé leur vie dans la zone de tranchée du front. Il est établi par Arrêté Royal (A.R.) du 24 juin 1916. Un chevron de front représente donc un temps de présence réelle au front.

Le premier chevron est accordé en 1916 pour une présence de 18 mois, il passe à 12 mois en 1917, chaque chevron suivant équivaut à une période pleine de 6 mois. Ils ne sont accordés qu’aux militaires de bonne conduite et braves au feu. L’octroi ou le retrait des chevrons se fait sur proposition du chef de corps et la décision du Commandant de la division. Les soldats qui ont participé à toute la campagne de 1914-1918 reçoivent le huitième et dernier chevron de front. (Circulaire Ministérielle du 18 janvier 1919). (source : Wikipedia, article « Chevron de front »

[7] Deviendra « Croix de l’Yser » après 1934, mais uniquement décernée en remplacement de la médaille sur demande et paiement d’une taxe. Par conséquent, très peu furent émises (source : Wikipedia).

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