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Etymologie du nom de Rêves

Le contenu de cet article est extrait d'un article paru en 1984 dans le tout premier numéro de notre journal. Comme beaucoup d'autres après lui, il est dû à la plume de Willy Schommer, confondateur de Rodava et ancien président.

Première mention

Vers l’an 850, en pleine désintégration de l’empire de Charlemagne, nous faisions partie du très vaste diocèse de Liège. Ce n’est qu’en 1559, lors de la création du diocèse de Namur, que nous en serons détachés. À cette époque, l’évêque de Liège imposa à toutes les paroisses de son ressort l’organisation d’un pèlerinage vers une abbaye spécifique. Ces processions prendront le nom de “bancroix” ou “croix banales”.

De nombreuses paroisses du doyenné de Fleurus, dont celle de Rêves à l’époque, reçurent l’ordre de se rendre annuellement à l’abbaye de Lobbes pour y accomplir leurs dévotions, mais aussi et surtout y déposer leurs offrandes. Lobbes, comme toute autre abbaye de son temps, jouait un rôle important sur le plan religieux mais aussi sur le plan politique. Pour maintenir leur position d’avant-plan, les revenus générés par les pèlerinages étaient des sources d’importants revenus pour ces abbayes.

Dès lors, si certaines de ces paroisses manquaient à leurs obligations, les abbayes ainsi “lésées” ne perdaient pas de temps à déposer une plainte en bonne et due forme auprès de leurs autorités. Dans le cas de Lobbes, celle-ci fut adressée par Folcuin, abbé de Lobbes, à Notger, évêque de Liège dans la seconde moitié du Xe siècle. Il déplorait que 28 paroisses du doyenné de Fleurus, dont celle de Rêves, n’accomplissaient plus leurs dévotions annuelles à Lobbes, mais allaient à Fosses et à Nivelles, sous prétexte que ces deux localités étaient plus proches que Lobbes.

En réponse à cette plainte, Notger émit le 25 mars 980 une sentence d’excommunication contre les paroisses qui refuseraient de porter leurs écus à Lobbes. Dans un document émis en latin, il fournit la liste de l’ensemble des paroisses devant accomplir leur “bancroix” à Lobbes. Parmi les noms de celles du doyenné de Fleurus (28 au total), nous pouvons lire :

(…) Luponium, Guliena, Rhodium, Rodava, Libercia, Frasnes, Melein, (…)

Les trois premiers correspondent à Loupoigne, Glatigny-sous-Ransart et Roux. Les trois derniers à Liberchies, Frasnes-lez-Gosselies et Mellet.

Les traducteurs d’antan eurent quelques difficultés à traduire correctement Rodava. Certains évoquèrent qu’il pouvait s’agir de Petit-Roeulx-lez-Nivelles. Mais d’après un dépouillement de nombreux fonds d’archives effectué par M. Gysseling et détaillé dans son ouvrage “Toponomisch Woordenboek van België, Nederland, Luxemburg, Noord-Frankrijk en West-Duitsland (voor 1226)”, cette localité portait le nom de Ruz d’après deux documents consultables aux Archives de l’État à Gand, concernant Ninove. Carnoy réalise un travail similaire et affirme qu’en 1375, Petit Roes juxte Nivellem était l’appellation latine de Petit-Roeulx-lez-Nivelles.

Les deux auteurs cités ci-dessus ne font pas référence à Rodava dans leurs études concernant cette ville. Donc l’appellation Rodava concerne bien une autre ville ou un autre village.

Il est établi avec certitude que notre village fait partie du doyenné de Fleurus. Quel que soit le village portant le nom de Rodava, il doit être proche des paroisses citées plus haut, c’est-à-dire dans une zone géographique fort limitée. Ce qui laisse peu de doute quant à l’attribution du nom Rodava à notre village. Il y a toujours une similitude entre le nom latin et le nom véhiculaire courant.

Evolution de l'appellation de notre village

Nous pouvons compléter notre argumentation en nous basant sur les recherches de M. Gysseling, dont nous avons parlé plus haut. Pour le village de Rêves, il lie les noms suivants:

AppellationAnnéeSource
Rothavia1147Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 4607/7
 1204Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 10.256/3
Roavia1148Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 4607/11
 1153Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 4607/13
 1160Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 4607/16
 1163Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 4607/18
 1202Archives de l'archevêché de Malines (Cambron)
 1210Archives de l'archevêché de Malines (Cambron)
 1213Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques n° 5334/3
 1217Archives de l'archidiocèse de Malines (Cambron)
Rohavia1185Archives de l'Etat à Gand - Ninove
 1190Archives de l'Etat à Gand - Ninove
Ravie1194Archives de l'Etat à Mons
Ravia1210Archives de l'archidiocèse de Malines (Cambron)
Roevia1221Archives de l'Etat à Namur - Floreffe
Les appellations suivantes sont dues à Willy Schommer
Roavia1211Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques - supplément n° 30.381, folio 200
Reive1327Archive de l'assistance publique de Nivelles - n° 1007
Rayves1404Pierre tombale dans la chapelle Saint-Pierre du monastère bénédictin de Molhain
 1425Une autre pierre tombale au même endroit
Reyve1426Archive de l'assistance publique de Nivelles - n° 3119
Reisves1419Archive de l'assistance publique de Nivelles
Rasva Archives Générales du Royaume - fond Archives ecclésiastiques - supplément n° 30.388, folio 172
Resvez1594Archive de l'assistance publique de Nivelles - n° 974
Rasves1665Pierre tombale de l'abbé Adrien Turlot, curé de Rêves (1650-1665) à l'intérieur de l'église de Rêves

Après 1550, à quelques exceptions près, la forme RESVES se stabilise.

Dernier changement d’orthographe

À la fin de la Révolution française, les mots se terminant par un “s” dans leur première syllabe se transforment en accent circonflexe sur la voyelle qui le précède.

C’est ainsi que “hospital” devient “hôpital” et donc tout naturellement, “resves” suit la même logique et devient “Rêves”.

Aujourd’hui, nous constatons que l’orthographe la plus courante du nom de notre village est “Rèves”, soit un accent grave à la place de l’accent circonflexe. Bien qu’elle cohabite encore avec l’orthographe traditionnelle utilisant l’accent circonflexe, c’est cette dernière qui prévaut dans la majorité des cas. Toutefois, à Rodava, nous admettons que l’une et l’autre se valent.

Nous estimons que l’apparition de l’accent grave est due à une erreur de retranscription de notre administration il y a bien longtemps. Cependant, nous sommes toujours à la recherche du ou des documents qui viendraient étayer cette allégation. Dès lors, acceptons le fait que “Rêves” et “Rèves” soient deux orthographes acceptées, justifiées par l’usage.

Un peu comme pour ce néologisme tristement célèbre “COVID”, qui était initialement présenté comme étant féminin, étant donné qu’il s’agissait d’un acronyme anglais pour “Coronavirus Disease”, soit “maladie causée par un coronavirus” donc féminin comme l’est le terme “maladie”. Mais l’usage en fut principalement au masculin (combien de fois n’avons-nous pas entendu parler du covid (de le covid donc) ces dernières années ; “le covid est toujours là”, “le covid est de retour”, etc.). Dès lors, les dictionnaires mentionnent l’utilisation des deux genres : “si l’Académie recommande de dire la COVID-19, l’emploi du mot au masculin est courant” (dictionnaire Larousse en ligne).

Donc ne nous fâchons pas, personne ne doit vous en vouloir d’écrire “Rêves” ou “Rèves”, du moment que vous parlez bien de notre village, et non des images qui viennent agrémenter votre sommeil !

Signification du nom de notre village

Ayant passé en revue les différentes formes que prit le nom de notre village, penchons-nous un instant sur sa signification.

Les toponymes, quels qu’ils soient, ont souvent une signification que l’évolution du langage et de l’orthographe efface malheureusement au fur et à mesure que le temps passe. Ayant eu la chance de remonter si loin dans le passé (l’édit de Notger dont nous avons parlé, qui est le plus ancien document connu mentionnant notre village, date du Xe siècle), nous pouvons dès lors partir de cette forme très ancienne pour y trouver une signification.

En passant ce nom “Rodava” dans la moulinette des linguistes (en appliquant des lois phonétiques qui expliquent comment tel son devient tel autre), nous aboutissons à deux termes germaniques : “rand” et “anjo”. Soit “rouge” pour “rand” et “eau” pour “anjo”. Ces deux mots se retrouvent dans le vocabulaire des Francs Saliens et des Francs Ripuaires, deux tribus d’origine germanique qui s’établirent progressivement dans nos contrées (venant de l’est du Rhin - la Germanie inférieure - ils s’installent en Gaule Belgique - autour de Cambrai et Tournai) et seront inclus quelques années plus tard dans le royaume franc de Clovis Ier).

Ainsi, nous pouvons sans crainte affirmer que notre village est celui des “Rouges Eaux” ! De fait, il y a quelques années, alors que subsistaient de nombreux endroits fort marécageux le long de la Rampe, les eaux stagnantes avaient une rapide propension à colorer les terres en rouge. Cela était dû à un sous-sol relativement ferrugineux. L’eau entrant en contact avec cette terre se charge d’une minime quantité de fer. Après évaporation de l’eau, seule subsiste une teinte rougeâtre, qui résulte du dépôt de fer. D’où la qualification de l’eau en “eaux rouges”.

Le remblayage et la baisse de niveau des nappes aquifères ont fait disparaître ces zones inondées en permanence. Aujourd’hui, il est beaucoup plus rare d’observer ce phénomène.

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